C Comme Confort et D Comme Départ….!

Tabarly, Pageot,
Kersauson et Riguidel,
Naviguent pas sur des cageots,
Ni sur des poubelles !….

C Comme Confort

L’envie d’aventure et de grands espaces était une évidence à un moment où les problèmes devenaient moins importants avec les générations précédente et suivante, chacun étant maintenant établi dans un confort de vie. Retraités encore (relativement) verts, nous aspirions à d’autres histoires, à d’autres rencontres, sans pour autant renier nos modes de vie, nos parents nos amis, ce qui nous a incités à envisager des moyens de voyages compatibles avec notre entourage social, nos passions, et suffisamment éloignés de nos craintes légitimes, de risques et d’inconfort. Le TRAWLER correspondait parfaitement à ce cahier des charges et nous l’avions testé en sorties de quelques jours et en vacances de quelques semaines. L’Italie concentrait une partie importante de nos amours, de l’Histoire, des vins et de l’art culinaire, des paysages d’aquarelles (L’Ecosse aussi, mais bonjours le climat !), Ulysse pouvait être le fil rouge de ce périple initiatique au départ d’une nouvelle vie, d’ « éternels estivants », faisant du pédalo sur la vague en rêvant….

Un minimum de confort restant compatible avec nos quelques moyens financiers en amélioration sur ces derniers mois, (Merci Plan d’Epargne Entreprise), quelques adaptations furent consenties pour agrémenter considérablement la vie à bord durant plusieurs mois, n’en déplaise aux voileux ascètes, bouffeurs de barres de céréales, chiant par-dessus bord et dormant dans leur hamac !

J’ai troqué mes santiags
Et mon cuir un peu zone,
Contre une paire de Dock Side
Et un vieux ciré jaune…

D   Comme Départ

Les départs m’ont  toujours semblé difficiles. Voire parfois teintés d’un brin d’inconscience.

Combien sont en effet partis, fleur au fusil, pour quelques jours, au pire quelques semaines, sans jamais avoir envisagé vraiment la suite possible, probable. Combien de vagabonds de pseudos mers du Sud squattent de vieilles coques en ferraille, dans des lagons qui n’ont plus rien de paradisiaque, sans même la possibilité salutaire d’un billet retour.

Ou bien « on meurt un peu », en laissant derrière soit, un site, une histoire, un être cher, ou alors on s’enfuit, en amenant sous les crampons de ses Docksides, ses contradictions, ses faiblesses ou ses inconséquences qui, ailleurs pareillement, vont nous pourrir la vie.

Partir ne serait donc qu’une erreur, une utopie ou, au mieux, un espoir de retour ?

« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage,

Ou comme cestui là qui conquit la toison,

Et puis est revenu, plein d’usage et raison,

vivre entre ses parents, le reste de son âge »

 

La notion de départ reste indissociable du moyen de locomotion qui sera retenu. RIMBAUD vers l’Abyssinie, ULYSSE vers Troie, HUGO à l’heure où blanchissait la campagne, BEAUDELAIRE accompagné de vastes oiseaux de mer…

Que dire de la raison même de ce déplacement ?

Lorsqu’il sort du cadre de l’obligation, lorsqu’il est programmé, lorsqu’il est lié à la notion de voyage, le projet de départ est alors le support privilégié à l’étude, à l’évasion et à la poésie.

Les premières questions, les plus élémentaires, se posent alors : Où ? Comment ? Avec qui et pour quelle durée ?… Leurs réponses vont donner au voyage son essence même et le hasard n’aura dans ces choix, qu’une part minuscule.

Partir plusieurs mois à la barre d’un bateau, en Méditerranée sur les traces d’Ulysse, seul ou avec quelques amis très proches sera une démarche initiatique évidement différentes de celle d’autres amis qui nous retrouveraient sur ce périple, seulement quinze jours en Sardaigne ou ailleurs, à la recherche des géants Lestrigons…

Partir, c’est tenter de trouver un compromis alchimique entre  l’aventure et  la préservation de l’espèce ! Le résultat de cette réflexion sera apprécié d’ailleurs différemment selon la qualité de l’auditoire. Pour beaucoup, comme pour les anciens, il y a en effet  « les fous, les hommes et puis ceux qui vont sur la mer », dont la classification reste éminemment mouvante.

Voguer plusieurs mois, surtout en Méditerranée, c’est la certitude d’aller consciemment, délibérément, se jeter un jour ou l’autre dans l’inévitable  tempête, la vrai, celle au dessus de 9 Beaufort.

Ceux qui ne prétendent voyager que de jour, par beau temps, sans brouillard et sous la couverture d’une bonne météo, ne sont que des « Môssieur Brun » qui doivent se cantonner au voyage en Ferry-boat, entre la Mairie et la place aux huiles !

Telle est la règle. En naissant, on sait qu’on va mourir. En aimant, on sait qu’on peut souffrir…Partir loin, c’est forcément prendre le risque calculé de ne pas revenir, voire de revenir dans un état (physique et intellectuel) que l’on n’aurait pas soupçonné ;  Différent, bien qu’encore un peu toujours le même.

Ulysse ne s’y était pas trompé, lorsque sollicité par les rois Achéens, pour honorer les alliances passées, il fit d’abord le fou, coiffé d’un improbable chapeau, à semer du sel dans les sillons de son frais labour, pour faillir à sa parole et différer son départ. Il fallut toute la ruse des émissaires du blond Ménélas et de son frère Agamemnon pour que le fou démasqué accepte les aléas du voyage et devienne le sage et industrieux héros que nous vante Homère qui, de retour de Troade, fut le seul à tenter d’emprunter la sage route Nord de JASON et de ses Argonautes, pour éviter les pièges de la haute Egée.

La raison des héros nous perturbe et nous préférons retenir le pillage du vin des Kikones et l’enlèvement de leurs épouses amenées captives, à la décision sage de la stratégie du retour par l’inventeur génial du cheval de Troie.

« Pour grands que soient les rois, ils sont ce que nous sommes,

Et peuvent se tromper comme les autres hommes

Et cela sert de preuve à tous les

 

Gens  partants, qu’on a tout intérêt à préparer avant !…

 

Ulysse mettra vingt ans pour revenir à Ithaque, nos impératifs économiques et familiaux ne nous permettraient guère de nous absenter si longtemps, et voyageant en couple, ma légitime épouse saura surement me parer des charmes de CIRCEE ou bien de CALYPSO et d’y trainer longtemps…

La préparation du voyage lui-même est donc capitale et l’Odyssée renferme à ce titre une somme colossale de connaissances mises en évidence par les nombreux chercheurs, hellénistes, ethnologues et historiens qui ont refait, d’une manière ou d’une autre le voyage. La relecture d’Homère dont nous possédons vingt six éditions de 1784 à 2015 avant, voire pendant le voyage pourra compléter intelligemment le côté ludique et initiatique de notre périple.

La question qui revient le plus souvent, lors d’interview de  voyageurs plus éminents que nous est : « Qu’auriez vous apporté comme seul objet autorisé, durant votre périple ? » Les réponses les plus classiques sont : La Bible, ou le Coran, selon les latitudes, le dictionnaire en je ne sais combien de volumes … Suivent à distance raisonnable, avant d’autres réponses encore plus fantaisistes: Les  Aventures du Joe Bar Team ou les Passagers du vent (Onze tomes de BD), la Cuisine de Maïté, les fables de Monsieur de La Fontaine ou belle du Seigneur, le plus beau, ou le plus gros, roman d’amour du siècle ?

Fi des ascètes de tout poil,  nous dans la table à cartes et dans les équipets qui l’entourent nous accumulerons plutôt lors d’un projet de départ : Les instructions nautiques et cartes détaillées de l’ensemble du bassin méditerranéen,  la correspondance complète de Baudelaire, l’intégrale de Brassens, Les concertos pour piano de Chopin, l’intégrale remasterisée de DIRE STRAITS, ma boite d’aquarelles, trois tire-bouchons et les cinq plus grands vins blancs du monde d’après Curnonsky (Montrachet, Château Grillé, Coulée de séran, Château Yquem, Château Chalon)…

Mais seulement pour les très grandes occasions.

 

J’ai déserté les crasses
Qui m’disaient « Soit prudent »
La mer c’est dégueulasse
Les poissons baisent dedans…..

 

 

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