QUI SE RESSEMBLE, S’ASSEMBLE !….
C’est la devise péremptoire que m’assénait ma grand’mère (Elle habitait au dessus de chez nous !), quand je me pointais avec un zéro en dictée, ou les fringues déchirées après un remake de la « Guerre des boutons »…
T’aurais vu Mémé, débarquer du bus, cette horde bruyante vêtue du polo rouge à l’effigie de l’hippocampe, c’est sûr on y avait droit ! Surtout si comme d’hab’, tu t’étais attardée un peu pour voir tous ces fringants chefs d’entreprises, respectables professions libérales, encore jeunes retraités, tomber dans le punch planteur, puis enchainer sans vergogne sur le rosé de Provence, parler fort, s’interpeller et finir par sauter comme des puces autour de l’orchestre (excellent par ailleurs), au son de « Sex machine ».
Pourtant habituellement, le trawlériste n’est pas grégaire. C’est plutôt une sorte de vieux cowboy solitaire qui bouffe des milles et voyage en famille, bien au-delà de nos eaux territoriales. Il est respecté d’à peu près tout ce qui flotte et qui navigue, même le voileux le plus sectaire, retraité de l’éducation nationale, le salut parfois d’un geste sobre, pour peu que ce dernier ait pris soin, comme à l’accoutumée, d’éloigner un peu son sillage de la route de l’éminent professeur, afin que sa vague ne renverse pas sa bouteille d’Hépar.
Car oui Monsieur, le capitaine du Trawler est empathique, il s’est souvent tapé lui aussi de longues années de bords carrés contre vent et courants, contre un Mistral couillu, pour tenter de remonter de Porquerolles à Saint Mandrier contre un foutu Mistral. Même s’il en est aujourd’hui dispensé, il comprend la rancune du voileux qui vit à la cave, ne voyage que le vent dans le pif et prend des seaux d’eau salée en pleine poire, pendant que lui pilote tranquille de l’intérieur, derrière tes trois essuie-glaces, une Despé à la main….
Oui Mémé, je te l’accorde, en te baladant de table en table, tu aurais découvert un microcosme étonnant : A Hugues et Eliane, une vingtaine de fringants capitaines sont venus demander des nouvelles de leur paire de jumelles ; faut dire que les leurs sont ravissantes et ont 22 ans. A côté, « l’Amiral », respecté de tous raconte sa nouvelle embarcation. « As de cœur » qui s’escrime encore à son âge au sabre et à l’épée commente sa dernière tirée de championnat. Du côté d’ «Agua Limon », on parle vieilles bagnoles en passionnés. Le responsable de la Prod’ de chez Bénéteau passe de table en table présenter leur « 47, trois cabine »s, propulsion par arbre d’hélice, plage arrière hydraulique, des lueurs nouvelles de rêve encore inassouvi, apparaissent dans le regard des presbytes alentour…
Oui, grand’ mère adorée, finalement tu te serais rendu compte que le Captain’ d’un trawler est finalement une sorte de sage, un seigneur. Le plaisancier l’a bien compris puisqu’il vient jeter son ancre systématiquement à côté de la sienne (parfois même dessus, le con !), sachant que si ce drôle de bateau au look Fisher Price, avec son bout de mat qui sert à rien est tanqué là, c’est que c’est forcément le meilleur coin, où ça ne ripe pas, à l’abri du vent et des courants. Il sait aussi que la haut, sur le fly, dans le carré chaleureux en cas de brafougne, dans le cockpit ou sur la plage avant, il y aura un magnum de rosé frais, un jet glacé ou une bibine à partager…
Parfaitement Mémé, « Qui se ressemble s’assemble », la bande à Nelly va le prouver longtemps sur les cotes Méditerranéennes, chaque année aux alentours de la mi-juin.